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5 novembre 2017

CATALUNYA O CATALOGNE ; UN TEST DE RESISTANCE DES MATERIAUX

La crise catalane n’est pas, à bien y regarder, ce que nous croyons. Il s’agit d’une expérience à portée européenne dont la dimension stratégique semble passer inaperçue. C’est, pour le dire grossièrement, un test de résistance des matériaux. Et il s’adresse non seulement aux Catalans mais aux Espagnols et aux Européens en général. Le test consiste à vérifier dans quelle mesure la citoyenneté en général et les institutions internationales sont disposées à tolérer et à soutenir une démocratie autoritaire, non seulement en Espagne mais dans tous les pays de l’UE.

Nous sommes à l’extrémité ouest de l’Europe et pas en Turquie, donc le test ne peut pas être réalisé selon la méthode d’’Erdogan mais à la sauce Rajoy-Felipe. Le test consiste en une interprétation musclée de la constitution et des lois pour que tout acte de coupure démocratique puisse être pris pour le respect de la légalité.

En période de crise économique, de chômage et de précarité, de peur pour les retraites et autres, la preuve est pertinente : dans quelle mesure les citoyens sont-ils prêts à supporter une démocratie, non plus sous tutelle militaires, mais assumée de plein gré moyennant une bonne combinaison de conservatisme social, de nationalisme espagnol, de revendication d’autorité et de main de fer ? Dans d’autres pays on observe une montée électorale de l’ultra-droite. Ici, c’est l’expérimentation de l’ultra-droite au sein de l’exécutif, soutenue par le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif (Cs mais aussi PSOE).

Il est intéressant, par exemple, d’observer comment des citoyens espagnols démocrates, légitimement fiers d’être et de se sentir espagnols, s’accommodent de l’expérimentation menée sous leurs yeux et affirment d’un signe de tête que ce qui se passe est la « conséquence » d’une transgression de la loi, "Disloyalties" et "challenges". Tant et si bien qu’il n’y a pas un seul journal publié à Madrid qui soit en désaccord avec une telle approche. Le quatrième pouvoir a ainsi adhéré à cette sinistre collusion.

Les regards internationaux restent attentifs à l’expérimentation en cours, non pas parce qu’ils se sentent concernés par ce qui se passe en Catalogne mais pour vérifier le résultat de l’essai des matériaux et pouvoir agir en conséquence, comme par exemple, lorsque Macron s’apprête à appliquer à la France une réforme du travail de cheval qui peut conduire à des émeutes dans les rues.

Les choses ne sauraient être plus claires, et pourtant voilà les quadragénaires scandalisés acquiesçant d’un hochement de tête à l’ultra droite par amour de la patrie et de la constitution. Nous verrons des choses graves, non seulement en Catalogne mais dans toute l’Espagne et l’Europe.

Cet autoritarisme acceptable n’aura pas à s’imposer comme fascisme du vingtième siècle, par la propagande et la persuasion. Nous sommes entrés dans une nouvelle phase où l’argument persuasif du XXe siècle (propagande politique et publicité) a cédé la place à la manipulation et à la prise directe du pouvoir sur le citoyen. L’assentiment du citoyen n’est plus basé sur la persuasion mais sur la jonction des deux formes les plus anciennes de domination, la flatterie et la peur, l’une ou l’autre ou les deux à la fois. Le PSOE s’est montré très sensible à cette question en se positionnant sous l’aile de Rajoy parce qu’il veut être de ceux qui peuvent offrir de l’ordre à une population qui l’exige de plus en plus explicitement (aussi parce que si Rajoy organisait de nouvelles élections, il obtiendrait la majorité absolue).

L’expérience transeuropéenne de résistance des matériaux a lieu, malgré les aboiements de Trump, dans un contexte de pax américana que personne ne veut rompre. En fait, le capitalisme conduit ce test encore et encore depuis que la question du capital a été soulevée : la productivité, le profit et la prospérité peuvent-ils être obtenus sans en payer le prix de la démocratie ? Le test effectué dans les années 1930 ne portait pas sur la guerre mais sur la défaite des classes laborieuses ; comme aujourd’hui. La résolution de l’épreuve de résistance en guerre n’est ni obligatoire ni inévitable. Le système ne vise pas à consolider la logique de la domination une fois pour toutes. En ce moment, le capital financier a gagné la bataille contre le capital industriel, c’est ce qu’on a appelé la crise. Après deux guerres mondiales, ils savent déjà dans quelle mesure la guerre détruit les tissus productifs. C’est pourquoi il n’y a pas eu de troisième guerre mondiale au XXe siècle, avec et sans l’URSS.

L’extrême affaiblissement de la démocratie va de pair avec l’aspiration au solutionnisme technologique néolibéral, comme le craint Evgeni Morozov. Le capitalisme financier triomphant compte sur lui pour résoudre les dernières contradictions macrosystème. Le problème, c’est que les robots ne produisent pas de plus-value (de là la recherche sur les super-algorithmes, l’intelligence artificielle et les ordinateurs quantiques). C’est pourquoi il ne renonce pas à avoir sous la main l’autoritarisme, la dilution de la démocratie et la guerre en dernier recours. Trump est, à son niveau, aussi un test de résistance des matériaux, dans ce cas de la démocratisation aux USA et de l’ordre mondial basé sur la pax americana.

Nous vivrons et verrons des moments intéressants, selon la malédiction chinoise classique. Disons le en passant, avec une autre expérience de développement économique maximum sans démocratie, comme l’est le cas chinois sous la présidence de Xi Jinping ; ce n’est pas un hasard si cette expérience compte, parmi ses partisans les plus enthousiastes, Henry Kissinger. Si la position dubitative et timorée de l’Europe devait se poursuivre et les "Trumperies" aux Etats Unis, l’expérience chinoise pourrait s’ériger comme troisième voie réellement existante.

En réfléchissant ainsi, nous avons l’intuition que la révolution socialiste envisagée par Marx et les conditions d’exacerbation des crises capitalistes n’étaient pas prévues pour le début du XXe siècle, mais plutôt vers le milieu du XXIe siècle. J’ose l’imaginer vers 2040. Alors la question du socialisme ou de la barbarie sera d’actualité. En attendant, réfléchissez en termes d’essais de résistance des matériaux."

Gabriel Jaraba

Lien :  https://www.legrandsoir.info/catalogne-un-test-de-resistance-des-materiaux.html

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