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21 janvier 2015

COMMENT PROTEGER LES TRAVAILLEURS D'UNE VIE PROFESSIONNELLE EN MIETTES ???

CDD de plus en plus nombreux et de plus en plus courts...
MARDI, 20 JANVIER, 2015
Dessin : Charb
Dessin : Charb
Par Marie-Laurence Bertrand, coordinatrice de la délégation CGT à la conférence sociale, Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe 
de la CFDT et Sabina Issehnane, économiste à l’université Rennes-II, membre de Champ libre et des économistes atterrés.
  • La précarité est 
une constante assumée 
par le patronat par Marie-Laurence Bertrand, coordinatrice de la délégation CGT à la conférence sociale
 
Les chiffres sont là, redoutables et irréfutables. Le chômage ne cesse d’augmenter, le nombre de contrats à durée déterminée explose, leur durée est de plus en plus réduite. 22 % de la population active est au chômage ou en sous-emploi ; 1 sur 5, c’est considérable. Ce n’est pas un problème marginal, c’est le cœur du problème.
 
Derrière les pourcentages désincarnés, ce sont des vies bien réelles de femmes et d’hommes qui sont fragilisées.
 
Les politiques d’emploi développées depuis des années ont fait la démonstration de leur inefficacité : la précarité s’installe, s’enkyste, et les aides publiques consenties aux entreprises (par ailleurs jamais évaluées !) ou l’invention de contrats toujours plus light n’y changent absolument rien.
 
L’organisation de la précarité est une constante assumée dans le monde patronal. Elle va de pair avec une conception de l’évolution économique dans une société postindustrielle, tournée vers les services, ayant fait son deuil du plein-emploi et revendiquant, sous couvert de contrat unique, la fin du contrat à durée indéterminée (CDI). Insécuriser le salariat fait partie de sa stratégie, et depuis fort longtemps !
 
Il est temps de contrer ce discours ! C’est non seulement nécessaire mais aussi urgent. D’abord, parce que ces politiques, ces logiques ont fait la preuve de leur impuissance, ensuite parce qu’elles menacent tout développement économique et social sur le moyen et long terme : la précarisation du salariat conduit immanquablement à la précarisation de toute la société.
 
Mais s’agit-il vraiment de protéger les salariés d’une vie professionnelle en miettes ? Ne faut-il pas plutôt empêcher que cela se produise ? La distinction est tout sauf secondaire puisqu’elle recouvre toute la différence qui existe entre adaptation et changement de paradigme. Autrement dit, il s’agit moins de déployer des outils permettant de sécuriser des salariés soumis à une vie professionnelle aléatoire que de modifier fondamentalement le rôle et la place assignés au travail. Ce n’est pas d’une adaptation et sécurisation pour répondre aux exigences du marché du travail (la fameuse employabilité !) dont nous avons besoin, mais d’une reconnaissance du travail « en tant que tel », et donc sa réappropriation par celui ou celle qui l’exerce.
 
La différence entre sécurisation des parcours professionnels et sécurité sociale professionnelle, revendiquée par la CGT, réside dans cette différence d’approche.
 
N’ayons pas peur des mots, ce qui est en jeu, c’est le processus d’émancipation du salariat : émancipation du lien de subordination qui lie le salarié à l’employeur, mais aussi émancipation par et dans le travail, en reconnaissant à chaque travailleur et travailleuse, individuellement et collectivement, le droit de s’exprimer sur la finalité de son travail, de revendiquer le travail « bien fait » et socialement utile, de s’interroger et agir sur la production de richesses et sa répartition.
 
Notre choix est donc celui d’une sécurité sociale professionnelle inscrite dans un nouveau statut du travail salarié. Il s’agit bien de donner un véritable statut au travail
salarié c’est-à-dire de le reconnaître socialement,
économiquement, juridiquement (et pourquoi pas, philosophiquement).
 
Ce nouveau statut du travail salarié repose sur de nouveaux droits, attachés à chaque salarié-e, transférables, socle commun de garanties interprofessionnelles permettant à chaque salarié-e de les mettre en œuvre tout au long de la vie professionnelle, même s’il change d’entreprise ou de branche et quel qu’en soit le motif. Qu’il s’agisse de la nature de l’emploi, du salaire, de l’organisation du travail, de la protection sociale, etc., ces droits ne doivent plus dépendre de l’employeur, mais être attachés au travail, et donc à la personne.
 
Placer le travail au cœur de la réflexion, c’est reconnaître, enfin, que le ou la travailleur-euse est l’élément déclencheur de la production de richesses ; c’est reconnaître que tout progrès social passe par la reconnaissance des capacités humaines. 
 
 
  • Changer de modèle 
pour changer le travail par Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe 
de la CFDT
 
Chaque mois reviennent des chiffres de l’emploi plus consternants : plus de 3 millions de chômeurs, 2 millions de salariés galèrent dans une succession de petits boulots, un tiers des femmes se débattent dans le temps partiel, 11 % d’entre nous sont sous le seuil de pauvreté. Derrière les statistiques, la précarité du travail a un retentissement sur la vie entière de millions de nos concitoyens. L’inquiétude au quotidien prédomine. Et le pays s’enfonce dans le pessimisme.
 
La crise ? Bien sûr. Mais celle-ci a accentué des tendances déjà à l’œuvre. Les crises subies depuis les années soixante-dix n’ont pas été d’emblée comprises comme des mutations qui nécessitaient une remise en cause de notre modèle de développement : la mondialisation a mis les salariés du monde entier en concurrence, et le travail a été la variable d’ajustement d’une économie insuffisamment régulée.
 
La France est régulièrement accusée d’avoir laissé s’installer une dualisation du marché du travail : d’un côté des statuts hyperprotecteurs, de l’autre la récurrence dans le chômage. On lui oppose souvent l’Allemagne. Certes celle-ci n’a pas « subi » la dualisation du marché du travail, mais elle l’a organisée, en choisissant de précariser à l’extrême les emplois de services pour améliorer la compétitivité de son industrie. Le résultat est que la pauvreté est plus forte encore de l’autre côté du Rhin.
 
Ce « modèle », nous n’en voulons pas. Mais le « modèle » français doit aussi évoluer pour faire face au défi de la précarité et de la pauvreté.
 
Changer de modèle, c’est penser que l’on peut produire avec une valeur ajoutée élevée, en faisant du niveau de vie, de la qualité de vie et de la compétence des salariés des avantages compétitifs.
 
Produire autrement, c’est mieux protéger et valoriser le capital humain par des régulations internationales plus efficaces et grâce à une Europe plus intégrée. C’est articuler l’économique, le sociétal et le social avec pour fil conducteur la lutte contre les inégalités, qui est, pour la CFDT, à la fois un enjeu de justice sociale et de performance économique.
 
Pour la CFDT, réformer le marché du travail consiste à sécuriser les parcours professionnels en attachant aux individus des droits sociaux plus adaptés aux besoins de mobilité professionnelle de notre époque, quel que soit le statut, salarié, fonctionnaire, demandeur d’emploi, jeune en formation, etc.
 
Ainsi, les nouveaux droits obtenus par la CFDT créent le socle de la sécurisation des parcours qui bénéficie aux plus précaires : le compte personnel de formation doit permettre un meilleur accès à la formation aux salariés les moins qualifiés et aux demandeurs d’emploi.
 
Les droits rechargeables à l’assurance chômage allongent les durées d’indemnisation des demandeurs d’emploi qui enchaînent les contrats courts, améliorant leur accès à l’accompagnement et à la formation.
 
La généralisation de la complémentaire santé fait cesser les inégalités d’accès aux soins.
 
Enfin, la lutte contre le temps partiel subi a connu un premier succès grâce à la règle des « 24 heures hebdomadaires minimum » à laquelle on ne peut déroger qu’avec des contreparties strictes et négociées.
 
Le chemin reste encore long et de nouveaux droits sont à conquérir en matière de logement, d’accès aux modes de garde collectifs, d’harmonisation des régimes de retraite, de généralisation à la fonction publique du compte pénibilité et de la complémentaire santé, mais aussi de responsabilisation plus grande des employeurs qui abusent de la précarité.
 
Mais il y a urgence à redonner confiance et espoir à chacun, pour redonner confiance et espoir à tous.
 
Aucun statu quo n’est possible. Aucune recette miracle d’un modèle venu d’ailleurs n’est à attendre. Nous devons inventer une voie nouvelle pour recréer un pacte social qui rende effectif notre ambition de solidarité et d’égalité. 
 
 
  • Vers un contrat de première embauche pour tous ?par Sabina Issehnane, économiste à l’université Rennes-II, membre de Champ libre et des Économistes atterrés
 
La stratégie adoptée par ce gouvernement ressemble à s’y méprendre à celle du Medef. Elle vise un affaiblissement de la législation de l’emploi. Pourtant, les derniers chiffres du ministère du Travail montrent que la part des CDD dans les embauches a continué sa hausse et que ces contrats sont de plus en plus courts. 
La moitié des CDD auraient ainsi une durée inférieure à 10 jours, contre 14 jours en 2012.
 
Pourtant, on nous assène que notre marché du travail serait trop rigide. Cherchez l’erreur ! Il faudrait selon certains, comme M. Attali, diminuer les rigidités du marché du travail qui empêcheraient les employeurs d’embaucher. Ces rigidités, quelles sont-elles ? Ce sont notre droit du travail, notre salaire minimum, la protection des licenciements, autrement dit tout ce qui protège la partie subordonnée dans la relation de travail, c’est-à-dire le travailleur.
 
La relation de travail n’est pas une relation entre individus égaux, c’est une relation de subordination. Or la loi Macron comme la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 n’ont qu’un seul objectif, celui de s’attaquer à ce qui protège le travailleur : les prud’hommes, l’inspection du travail, le repos dominical, etc. Pour ces partisans d’un marché du travail sans entraves, si les employeurs n’embauchent pas, c’est que nous n’avons pas été assez loin dans la suppression de ces rigidités. Il faudrait pour certains prendre exemple sur nos voisins européens. Voulons-nous d’un « contrat zéro heure » comme au Royaume-Uni, sans durée de travail affichée, le salarié devant être disponible à n’importe quel moment ? Voulons-nous des mini-jobs allemands à 400 euros par mois ? Voulons-nous des « reçus verts » portugais sans indemnités maladie et sans congés payés ?
 
Ce que propose M. Gattaz, c’est de mettre en place un contrat de travail unique, autrement dit un CPE pour tous. Ce qu’ils veulent, c’est pouvoir licencier sans fournir de justification. Or la France a ratifié la convention n° 158 de l’OIT qui stipule que l’employeur a l’obligation de justifier les motifs du licenciement… Le patron du Medef souhaiterait donc que la France sorte de cette convention ! Ils défendent ce contrat sous prétexte que notre marché du travail serait trop dual entre d’un côté des salariés protégés en CDI et de l’autre des salariés précaires en CDD. Certes, le taux d’entrée en CDD a augmenté, mais les salariés sont 87 % à être employés aujourd’hui en CDI. Crier au loup leur permet de justifier de nouvelles réformes.
 
Cette volonté s’appuie sur une théorie, celle de Lindbeck et Snower, développée à la fin des années quatre-vingt qui stipule que « les insiders » auraient un avantage sur les chômeurs ou les travailleurs précaires, « les outsiders ». Cette théorie abstraite, redevenue à la mode dans la bouche de M. Valls, n’a qu’une vocation, celle de préconiser une plus grande flexibilité pour tous. Pourtant, les salariés en CDI sont loin d’être des privilégiés. Être en CDI aujourd’hui n’est plus un gage de stabilité. Beaucoup sont non pérennes et/ou à temps partiel. Même dans les pays où il existe une forme de contrat unique comme aux États-Unis qui s’appuie sur l’Employment Act Will, la segmentation du marché du travail est importante.
 
Ce gouvernement se trompe de cible en pensant que la solution au chômage se trouve dans cette analyse libérale des causes du chômage. Face à la montée du chômage, il faut, au contraire, mettre en œuvre une véritable réduction du temps de travail, assurer des droits protecteurs à tous ceux qui vivent dans la précarité (limiter les CDD d’usage, garantir un revenu de remplacement pour les chômeurs, titulariser les contractuels de la fonction publique...), tout en créant des emplois publics répondant aux nombreux besoins sociaux. 
Lien article :  http://www.humanite.fr/comment-proteger-les-travailleurs-dune-vie-professionnelle-en-miettes-563210
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